REFERES
ORDONNANCE N°
DOSSIER N° : 03/01245
AFFAIRE :
S.A.R.L. KEY WORLD INTERNATIONAL
C/ Association ADCSTP ASSOCIATION DE DEFENCE DES CONSOMMATEURS DE SEMAINES EN TEMPS PARTAGE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
ORDONNANCE DE REFERE DU 24 Mars 2004
AUDIENCE PUBLIQUE DES REFERES tenue le 24 Mars 2004 par Monsieur COUTIN, Président du Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE, assisté de Madame CHAMBRON, Greffier ;
ENTRE
DEMANDERESSE
SARL KEY WORLD INTERNATIONAL, dont le siège social est sis 5 bis Résidence AL MOURAD- Avenue Mohamed V- MARRAKECH MAROC, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représenté et plaidant par Me Christophe MIDIERE, avocat au barreau de GRENOBLE
DUNE PART
ET DEFENDERESSE
ADCSTP ASSOCIATION DE DEFENCE DES CONSOMMATEURS DE SEMAINES EN TEMPS PARTAGE, dont le siège social est sis 2 Place Beaumarchais- 38130 ECHIROLLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée et plaidant par Me Laure GERMAIN PHION, avocat au barreau de GRENOBLE
DAUTRE PART
DOSSIER N° : 03/01245
Vu lassignation en date du 03 Décembre 2003 pour laudience des référés du 17 décembre 2003,
Vu les renvois aux 21 Janvier, 4 et 18 Février, 10 Mars 2004
A laudience publique du 10 Mars 2004 tenue par M. COUTIN, Président assisté de M.MOULINIER, Greffier, après avoir entendu les avocats en leur plaidoiries, laffaire a été mise en délibéré et le prononcé de la décision renvoyé au 24 Mars 2004 date à laquelle Nous, J.M.COUTIN, avons rendu lordonnance dont la teneur suit :
La société KEY WORLD INTERNATIONAL (KWI) a pour objet la concession à titre onéreux de droits doccupation à perpétuité sur les immeubles quelle détient pour le compte dune autre société, la société GLOBAL LIMITED. Les bénéficiaires du droit doccuper pendant une ou plusieurs semaines fixes tel ou tel type de logement, avec possibilité de recourir à une bourse déchange sont regroupés au sein dun club trustee, en lespèce la société KWI.
De son côté LASSOCIATION DE DEFENCE DES CONSOMMATEURS DE SEMAINES EN TEMPS PARTAGE (ADCSTP association type loi 1901) a notamment pour but dinformer le public sur le commerce et léchange de semaines en temps partagés.
Par acte du 3 Décembre 2003 la société KEY WORLD INTERNATIONAL a assigné lAssociation ADCSTP aux fins de lui voir ordonner la suppression de tous les passages attentatoires à sa réputation et obtenir en outre le paiement dune somme de 1500€ en application de larticle 700 du nouveau code de droit civile.
Au soutien de son assignation la société KWI expose les griefs suivant :
- lAssociation ADCSTP a mis au point une politique de dénigrement systématique du Timeshare, celui-ci est qualifié de mafieux ayant pour but de faire entrer les touristes dans un cycle descroqueries ; les citoyens subissent des mensonges pendant les 4 ou 5 heures de « lavages de cerveau »; la critique systématique du Timeshare ne peut que rejaillir sur son image de marque.
- Lassociation ADCSTP dénigre de multiples manières la société KWI : celle-ci est assimilée à une société escroc dont les contrats constituent une arnaque; la société HUTCHINSON, société trustee, est représentée comme se livrant à des transactions douteuses ; le comportement de M. DERRAJI dirigeant de KWI est représenté comme opaque, les victimes de KWI se trouvent dans une situation en possession de contrats totalement illégaux au regard du droit.
La société KWI soutient en définitive que le comportement de lAssociation ADCSTP est attentatoire à sa réputation.
La défenderesse soppose à ces demandes et évalue à 1000€ le montant de ses frais irrépétibles.
Concernant la recevabilité de la demande elle fait valoir les moyens suivants :
- en labsence durgence, larticle 808 du nouveau code de
procédure civile ne peut trouver application,
-la société KWI ne démontre pas en quoi son comportement
constitue un trouble manifestement illicite.
Sagissant du trouble allégué par la société KWI, elle présente les observations suivantes :
-son but nest pas de dénigrer dune manière générale la politique du Timeshare mais daccompagner ses victimes
-elle a identifié diverses sociétés qui commettent des abus et ne respectent pas la législation relative au Timeshare ; son site sadresse
dune part aux victimes et dautre part aux personnes qui cherchent une information
-les témoignages diffusés sur le site ne sont que le reflet de la réalité de certaines pratiques
-il est établi que depuis longtemps le Timeshare a mauvaise presse
-la qualification de système mafieux découle de lopacité des acteurs participant au Timeshare
-la société KWI nest pas attaquée mais confrontée aux témoignages de ses victimes
-la société KWI est seulement signalée comme ayant des pratiques douteuses en matière de Timeshare
-en toute hypothèse, le caractère manifestement illicite des agissements qui lui sont reprochés nest pas établi
-les demandes de la société KWI portent atteinte à la liberté dexpression
En cours de procédure la société KWI a modifié comme suit ses demandes :
# Ordonner que les pages consacrées à la société KWI soient ôtées
du chapitre intitulé « les arnaques »
# Ordonner que le nom de KWI soit retiré du chapitre intitulé
« la liste noire des escrocs »
# Ordonner à lAssociation ADCSTP la publication dun droit de
réponse à la société KWI ; dire que ce droit de réponse sera de
taille équivalente aux pages consacrées par le site à la société KWI
dire que laccès « au droit de réponse » figurera distinctement
sur la page daccueil du site et dire que ce droit de réponse sera conservé sur le site pendant une année entière et pourra être mis à jour sur simple demande de la société KWI
# Ordonner le tout sous astreinte de 100€ par jour à compter de la
signification de lordonnance
MOTIF DE LA DECISION
- Sur la recevabilité et le fondement de la demande
Si la société demanderesse invoque aux termes du dispositif de son assignation les articles 808 et 809 du nouveau code de procédure civile, seule cette dernière disposition en ce quelle réfère à la notion de trouble manifestement illicite est susceptible dêtre retenue.
Des écritures échangées il apparaît que la société KWI, engagée dans la vente dappartements en Timeshare, reproche à son adversaire dattenter à sa réputation en indiquant ou en laissant entendre que, société escroc, elle serait impliquée dans un trafic mafieux, utiliserait des méthodes commerciales agressives et méconnaîtrait les droits de ses clients.
De son côté lassociation défenderesse soutient quelle ne fait que enregistrer les doléances quelle reçoit et apporter son aide aux
« victimes du Timeshare » pratiqué par KWI.
La pratique du Timeshare, si elle a donné lieu à de très nombreuses critiques notamment de la part des associations de consommateurs et si elle se révèle non exempte de risques, notamment au niveau de la revente, nen est pas moins licite et admise par la réglementation en vigueur. Par ailleurs les méthodes de vente qualifiées dagressives par diverses personnes proches de lassociation défenderesse ne sont pas lobjet du présent référé lequel vise latteinte à la réputation de KWI, étant observé quil ne saurait être imputé à la défenderesse les opinions et les termes exprimés par les internautes qui sétant adressés à elle se sont présentées comme victimes de KWI.
Celle-ci fonde essentiellement son action sur les pièces 4 à 9 émanant de lAssociation ADCSTP qui décrit son activité, ses démarches et la pratique selon elle du Timeshare par KWI.
La pièce 4 (nos activités) comporte notamment une rubrique intitulée les arnaques et inclut dans celle-ci KEY WORLD INTERNATIONAL.
La pièce 5 ( quest-ce que le Timeshare ) présente celui-ci comme système mafieux organisé comme tel en vue de tromper délibérément les touristes dès lachat et de les faire entrer dans un cycle descroqueries sans fin. Par ailleurs KEY WORLD INTERNATIONAL est toujours cité au titre des « arnaques ».
La pièce 6 (qui sommes-nous ?) comporte également la rubrique les « arnaques » incluant KEY WORLD.
La pièce 7 (lettre à lAmbassadeur du MAROC) reprend les critiques portées contre le Timeshare et met en cause, de manière mesurée, le
comportement de KWI et de son dirigeant.
La pièce 8 (quelques indications sur les contrats proposés par KWI)
Présente le contrat Timeshare classique proposé par la demanderesse, le critique en certaines de ses dispositions et évoque certaines arnaques et divers moyens de sopposer aux demandes de KWI.
La critique de la convention du Timeshare présentée comme un système mafieux générateur dun cycle descroqueries sans fin, si elle est excessive, trouve non sa justification, mais une explication partielle dans son processus juridique complexe, peu connu des Français qui ignorent le fonctionnement du « trust » dont lopacité, jointe à une pratique commerciale agressive est de nature à alimenter la critique, sur un ton polémique, de la convention de Timeshare et de sa mise en uvre.
Sous peine de porter atteinte à la liberté dexpression et dinterdire la critique virulente du Timeshare et des méthodes commerciales agressives employées pour le promouvoir, le juge des référés doit déterminer ce qui constitue un trouble manifestement illicite, trouble qui doit être évident quand à latteinte à la réputation de la société KWI.
A ce titre doivent être supprimées :
Dans la rubrique "les arnaques" le nom de KEY WORLD dans la mesure où cette présentation implique que la société KEY WORLD pratique tromperie et escroquerie de ses clients (pièces 4, 5, 6,7)
Sagissant des autres passages des pièces analysées ci-dessus, leur contenu ne saurait constituer un trouble manifestement illicite dans la mesure où ils se contentent, comme indiquer plus haut de critiquer avec vigueur la convention du Timeshare et les pratiques commerciales qui sy rattachent. Notamment ne peut constituer un trouble manifestement illicite le passage « le Timeshare est un système mafieux, organisé comme tel en vue de tromper définitivement les touristes dès lachat et de les faire enter dans un cycle descroquerie sans fin ». La société KWI na pas pour objet et nest pas habilitée à assurer la défense de la pratique du Timeshare, objet par ailleurs de nombreuses critiques. Par ailleurs le fait que lappréciation portée sur le Timeshare est susceptible de rejaillir sur sa réputation ne peut être retenu dans la mesure où aucun fait précis, en dehors des critiques portées sur le contenu des contrats nest susceptible de porter atteinte à sa réputation.
En revanche constitue un trouble manifestement illicite lexpression (pièce n° 9,2 paragraphe) « Depuis quelque mois UTC sadresse à KEY WORLD INTERNATIONAL, une société tout aussi mafieuse que les précédentes "
Ladjectif « mafieux » imputé à une société est incontestablement nature à porter atteinte à sa considération et à sa réputation. Dès lors il sera enjoint à la défenderesse de supprimer ce passage.
Le surplus des demandes de KEY WORLD INTERNATIONAL et notamment celle au droit de réponse sera rejetée.
Succombant partiellement, lassociation défenderesse sera condamnée aux dépens, nétant par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de KEY WORLD INTERNATIONAL les frais irrépétibles exposés par elle.
PAR CES MOTIFS
Nous, Juges des référés,
Statuant, publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort
Déclarons recevables et partiellement fondées les demandes de la société KEY WORLD INTERNATIONAL.
Ordonnons sous astreinte de 50€ par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, à lASSOCIATION DE DEFENSE DES CONSOMMATEURS DE SEMAINES EN TEMPS PARTAGE de supprimer la société KEY WORLD INTERNATIONAL de la liste des arnaques telle quelle figure aux pièces 4, 5, 6, 7 et de lexpression « KEY WORLD INTERNATIONAL une société mafieuse que les précédentes » (pièce 9).
Rejetons le surplus des demandes de KEY WORLD INTERNATIONAL.
Réservons au juge des référés la liquidation de lastreinte.
Disons ny avoir lieu à application de larticle 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamnons lASSOCIATION DE DEFENSE DES CONSOMMATEURS EN TEMPS PARTAGE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
A.M. CHAMBROM J.M. COUTIN
Remarques:
Les bénéficiaires du droit d'occupation de semaines n'ont jamais été regroupés dans un club trustee appelé KWI !!!
La société GLOBAL REALM reste tout aussi obscure après ce jugement.